• Irkoutsk – Vladivostok, 74 heures de train…

     

    Vous vouliez savoir ce que je devenais depuis 3 jours ? Vous serez servis ! C'est moi qui ai l'ordinateur, ce qui facilite la ponte régulière de la prose !


    La pleine lune fait son effet et personne dans la maison ne passera la nuit d'une traite. L'aube est encore loin quand je glisse hors de mon lit, enfile des habits et quitte la chambre. Après un bref passage à la salle de bain et avoir avalé une boisson lactée, je mets mon sac sur les épaules et je quitte le Home Hostel, une demeure portant bien son nom, nous nous y sommes vraiment sentis à la maison. Les rues sont désertes, seuls quelques cantonniers sont déjà à l'ouvrage afin que la ville soit belle pour fêter son 350e anniversaire dans deux jours. Après une demi-heure de marche, j'arrive à la gare juste à temps pour voir mon train, le 134 Penza-Vladivostok, avec deux voitures venant de Kiev, glisser le long du quai numéro 4. Après le traditionnel contrôle du billet et du passeport, je monte dans ma maison roulante. La voiture est encore endormie et seul mon compartiment est ouvert. Les trois retraités qui l'occupent, un couple accompagné d'un autre homme, semblent m'attendre. Leur voyage depuis Orenburg a commencé depuis trois jours et la table est déjà pleine de victuailles, bonbons, thé, café, biscuit, pâte de piment, pastèque et j'en passe, sans oublier toute la vaisselle nécessaire à leur ingestion future. Je dépose mes affaires sur la couchette supérieure qui m'est réservée et je fini de prendre mon petit déjeuner sur un coin de la table. Le train n'a pas encore quitté Irkoutsk que déjà la provodnitsa vient m'amener mes draps, ce qui me permet de faire mon lit et de m'y allonger un petit peu et de somnoler au rythme du tadac-tadac retrouvé, suivant là l'exemple de mes compagnons de voyage.

    Je me lève alors que le train arrive à l'extrémité sud du lac Baïkal. Le temps est maussade et le lac assez agité. Un tunnel hélicoïdal, à un bon kilomètre du bout du lac, nous permet de faire demi-tour avant de remonter le long de la rive est du lac pendant près de deux cents de kilomètres. A gauche, le lac est longé de près tandis qu'à droite, la forêt de bouleaux est presque continue. Les trains russes, roulant à droite, la vue est régulièrement bouchée par le croisement d'un long train de marchandise 70 ou 80 wagons ne sont pas rares, j'ai même comptés jusqu'à 100 tombereaux vides ! Malgré la brièveté de notre premier arrêt, à Slioudianka, les voyageurs se pressent vers les portières afin de profiter d'acheter quelques nourritures. 4 minutes plus tard le train repart avec à son bord une provision de poissons fumés. 

    Alors que le train poursuit sa route le long du lac, l'heure arrive du premier repas : Mes compagnons me proposent outre le poisson, du pain noir ainsi qu'un verre de schnaps ! Ma montre indique 5 heures, dehors il est à peine 10 heures du matin… L'agape sera complétée d'un bout de pastèque, de thé et de quelques carrés de chocolat suisse. L'occasion est aussi propice à faire plus ample connaissance. Je voyagerai donc jusqu'à Vladivostok avec Lilia, Leav et Viktor qui vont passer un mois chez le fils des deux premiers nommés. La merveille de la discussion franco-russe est que la moindre question, comme par exemple la durée du séjour, peut occuper un quart d'heure du voyage !

    Notre voiture semble plus ancienne encore que celle occupée entre Krasnoyarsk et Irkoutsk. Les cadres de fenêtres en bois et les rideaux à mi-hauteurs lui donnent un certain charme désuet. Je m'y sens bien et les différentes places à disposition de mes affaires sont plus pratiques que lors de la précédente étape.

    Vers 7 heures (de Moscou bien sûr), nous quittons le lac pour nous enfiler dans la vallée de la Selenga. La forêt laisse gentiment sa place à une steppe aride. La ligne serpente dans la vallée, d'abord à droite de la rivière, puis à gauche. De nombreux villages aux maisons de bois se dressent au bord de l'eau. Les nuages dissipés, le soleil a fait son apparition, baignant le paysage de ses rayons qui redorent les teintes automnales précédemment bien ternes. 9:07, le train fait halte à Oulan Udé, capitale de la république de Bouriatie, 24 minutes d'arrêt. Le temps de se dégourdir les jambes dans une certaine fraicheur et d'acheter pain et bière pour le repas, le choix de produits offert n'étant pas des plus conséquents. De retour dans la tiédeur de mon compartiment, je me trouve plongé pour le repas, dans l'hospitalité débordante (et semble-t-il traditionnelle) de mes compagnons de route. Entre envie de ne pas abuser et peur de refuser de la nourriture partagée de bon cœur, le dilemme est grand, partiellement résolu par un effet quasiment identique aux "da" et "niet" donnés en réponse ! Poisson fumé, salade et tomate, purée de pomme de terre, pain me comblerons, complétés par un café et un morceau de pastèque.

    Au hasard des toilettes, je croise Evgueni, notre provodnik de l'après-midi, le temps d'échanger quelques mots oscillants entre russe et anglais. Il a 19 ans et fait ce plaisant métier depuis 4 mois seulement. Il doit à sa jeunesse d'avoir des connaissances linguistiques à peine plus grandes que la moyenne. En quittant Oulan Udé, le train a aussi quitté la Selenga, qui descend de Mongolie, pour continuer sur une voie un brin sinueuse, dans un paysage vallonné qui, une fois encore, ravit les passagers. L'arrêt à Petr Zavod, sera l'occasion de laisser passer devant nous un train de messagerie ainsi que le Rossiya qui arrivera à Vladivostok plusieurs heures avant nous. Notre train reparti, Evgueni troque sa chemise contre un t-shirt et, muni de gants en caoutchouc et d'un balais, passe dans chaque compartiment nettoyer sur et sous le tapis. Le temps s'écoule et un fuseau horaire est dépassé, nous voilà maintenant à Moscou +6 ! Dans cette dernière ville, il est 13:30, l'heure pour nous de ressortir la vaisselle, le poisson, le pain… et pour changer, lard et fromage. Le soleil baisse à l'horizon augmentant encore les contrastes déjà superbes du paysage. Mes compagnons de compartiment, comme moi, gardent l'œil collé à la fenêtre.

    A 14:55 (+6), le train entre en gare de Khiloc, dernière longue halte de la journée, le train se vide et une fois encore la masse de voyageurs arpentant le quai en shorts, pantoufles et gros pull donne à la scène un côté un peu loufoque. Après quelques pas dans la fraicheur sibérienne, je retrouve avec plaisir la chaleur du train dans un calme contrastant avec celui du quai. Le train repart et Evgueni ressort ses gants pour cette fois récurer le corridor qui, dans cette voiture, n'a pas de tapis. Alors que les premiers passagers gagnent leur couchette, l'employée du wagon-restaurant passe une dernière fois avec son esquisse de mini-bar "Pivo, sok, chips, chocolad,…" (bière, jus, chips, chocolat,…).

    Il y eut un soir, puis il y eut matin, ce fut la première nuit, au doux rythme du tadac tadac régulier. La nuit fut longue, le train circule à présent avec une heure de retard sur l'horaire. Dehors le soleil brille sur un paysage vallonné et aride. Les bouleaux sont rares. Une rivière serpente au droit de la ligne rendant le paysage toujours aussi photogénique. Après de nombreux kilomètres vierges, se dresse un village aux isbas espacées. Les chèvres profitent de brouter dans un pré semblant sans limites, tandis que l'on aperçoit un peu plus loin des chevaux ruant de plaisir dans la fraicheur matinale. Après plus de 5000km vers l'est, la ligne met le cap au nord. La Chine se trouve devant nous et nous allons la contourner, après le nord, nous continuerons vers l'est avant de piquer au sud vers Vladivostok,

    Ce midi, je décide de prendre mon dîner au wagon-restaurant (celui où il est écrit "PECTOPAH"), je ne manque pas de victuailles, mais en 6 jours et plus de 9000km, je voulais quand même une fois y séjourner le temps d'un repas. Il est 12:40 à l'horloge de la salle à manger, celle-là est à l'heure locale, nous venons de quitter la gare de Tchernychevsk Zabaikalski où nous avons changé de locomotive et le wagon est presque vide. Rideaux à franges sur lesquels sont fixés du lierre en plastique, nappes en broderie en plastique vert et orchidées synthétiques sur les tables tentent de donner au lieu une ambiance mi-chic mi-sympathique… ce qui est mi-réussi. De vraies plantes sur une table, à côté d'un présentoir des produits à emporter, donne à la voiture un petit air de restaurant de campagne. Je m'assieds à une table et consulte la carte en écoutant le rock russe d'ambiance. La serveuse m'indique les plats disponibles, le quart de ceux indiqués. Je me décide pour un bortsch, non que je rêvasse d'en manger, mais en 3 semaines de séjour en Russie, cela semblait un minimum. La nourriture est bonne, sans plus, le prix, lui, n'est pas à la portée de toutes les bourses, ce qui explique la faible fréquentation de l'endroit. De retour dans mon compartiment, à l'heure du café, mes compagnons se préparent à manger. Je me refuse à partager leur repas et me contente de trinquer aux 43 ans de mariage de Lilia et Leav.

    Le ciel se couvre et, dans le même temps, le sol aussi. Nuages en haut, forêts de bouleaux, mélèzes et pins en bas. Sans le soleil, le paysage se fait plus triste ; bientôt nous nous arrêterons dans une gare au quai brillant par la pluie, intempérie qui ne durera guère. Plus loin, les montagnes environnantes sont couvertes d'une fine couche de neige fraiche. L'on se doute que la température extérieure n'est pas bien élevée, ce qui n'est par ailleurs pas étonnant sachant que nous approchons de Mogotcha, ville réputée la plus froide du parcours. Il est 12:00 passé quand nous y arrivons. Je sors pour l'occasion mon gnäggi (un pull à col roulé généreusement offert par l'armée suisse. Vert à l'origine, il tire maintenant sur le gris après une tentative de teinture en bleue. L'élégance est relative, mais ça à l'avantage de tenir chaud) et sort acheter quelque chose à manger pour mon souper. Alors que je m'apprête à regagner ma voiture, Evgueni me presse, l'arrêt a été raccourci en raison de notre retard et le train repart dans 5 minutes ! Ma médiocre compréhension de la langue de Tolstoï m'avait tout de même permis de comprendre l'annonce beuglée dans les haut-parleurs de la gare et j'avais jugé ce temps conséquent… Mais un provodnik ne veut pas risquer de voir un de ses protéger rester sur le quai !    

    Je réchauffe un peu mon festin, boulette de poulet et beignet nature, au bain-marie et je le complète avec une soupe. Les gares se suivent de près et à l'heure du café, soit moins de deux heures plus tard, nous nous arrêtons à Amazar. Mes compagnons de chambre en profitent pour acheter quelques kilos d'airelles. Ca soigne le mal de dos et c'est plein de vitamines me glissent-ils en les versant dans le seau qui contenait jusque-là des tomates. Le récipient est couvert par une toile et il sera ainsi gardé pour leurs petits-enfants. Les quelques baies n'entrant pas dans le seau seront tout de suite utilisées pour faire du thé : 2 cuillères à soupe d'airelles dans une tasse, 6-7 morceaux de sucre, on écrase le tout avant d'ajouter de l'eau chaude et un sachet de thé. Comme on peut l'imaginer, le résultat est une boisson fort sucrée, mais au gout tout à fait sympathique. Alors que la nuit tombe, Evgueni passe faire son tour de ménage vespéral.

    De temps à autre, des relents de charbon emplissent le compartiment. Nous a-t-on remplacé notre puissante motrice électrique par une antique machine à vapeur ? Non, bien entendu ! Il s'agit simplement de quelques fumées du chauffage à vapeur d'une des voitures qui profite de s'introduire chez nous. Ce n'est pas autrement désagréable, mais celà suffit à éveiller quelque nostalgie. L'arrêt suivant, à Epofeï Pavlov se fera sur une voie sans quai, il sera donc stérile de sortie, ce que certains regrettent… Nous quittons la gare à 16:43, la lumière principale de la voiture s'éteint, signe que le temps du repos arrive.

    Durant la nuit, nous avons quitté la Sibérie pour entrer dans l'Extrême-Orient Russe, ce qui n'empêche pas qu'au réveil, la température soit fraiche dans le compartiment. Les vielles fenêtres en bois sont males isolées et nous en profitons. Dehors le paysage vallonné de la veille a fait place à une plaine à perte de vue. Le ciel est gris et seule une bande bleue se distingue à l'horizon. La proportion de bouleaux augmente dans les forêts traversées. Nous avons repris un cap est / sud-est à une cinquantaine de kilomètres au nord de l'Amour, fleuve marquant la frontière avec la Chine. Dans la matinée, l'intervention conjuguée du chauffage, d'un technicien sorti de nulle part et œuvrant dans le local des provodniks et du soleil ramène rapidement la température à celle dont nous avions l'habitude. Les doux rayons caressants la plaine sont un véritable bonheur pour les yeux. Une nouvelle fois, le train a profité de la nuit pour perdre une heure sur l'horaire… Nous circulons donc maintenant avec 2 heures de retards. Ceci n'empêche que nous avons déjà parcourus plus de 2000km depuis Irkoutsk et 10'000 depuis Bâle !

    En arrivant à Bologorsk, sur le coup de midi, 6 heures de Moscou, je remarque des tuyaux noirs disposés à intervalles régulier sur le quai. Nous profiterons de cet arrêt de 30 minutes (qui sera réduit d'un tiers au vu du retard) pour prendre de l'eau. J'en profite de mon côté pour chercher de quoi manger et me laisse tenter par un petit paquet de raviolis tièdes. Une fois dans le train, je réchauffe au bain-marie ce qui s'avère être un bon demi-litre de raviolis… à la pomme-de-terre ! La chose est on ne peut plus nourrissante et il m'en restera donc pour mon souper. Au fil des kilomètres, nous semblons quitter l'automne pour… l'été ! Nous nous rapprochons de la mer, elle est à moins de 1000km d'ici, et le climat continental qui rend la Sibérie célèbre semble ici moins présent. Pendant son repas, Viktor comparera la nature environnante à la Savane, et c'est vrai qu'il ne faut pas beaucoup d'imagination pour s'attendre à croiser un troupeau d'éléphant au détour d'un bosquet. Le train avance et le paysage change, l'herbe verdit et les bouleaux laissent place à de petits arbres aux feuilles bien vertes, après la savane, nous voilà sans transition aux champs d'oliviers ! La température de la voiture, au paravent si fraiche est maintenant assez chaude pour prolonger l'impression du changement de latitude.

    Alors que depuis notre départ de Moscou, ils avaient été plus que rares, les tunnels font maintenant de fréquentes apparitions. Le paysage est vallonné, la ligne est sinueuse et nous sommes régulièrement plongés dans l'obscurité, l'allumage de la lumière de la voiture n'ayant pas été jugé nécessaire. Une fois le jour retrouvé, nous goutons à nouveau à l'extraordinaire variété de la nature traversée depuis le lac Baïkal. L'après-midi est bien avancé quand nous entrons en gare d'Oblutche, L'arrêt est bienvenu pour profiter un peu de la fraicheur extérieure. C'est aussi l'occasion de compléter mon souper, un œuf dur fera l'affaire. Mes gouts culinaires et la composition de mes repas pourront paraitre quelque peu surprenants, mais ils ne sont que le fruit des disponibilités des produits trouvés sur le quai et d'une certaine inconnue rémanente quant au gout de certains de ceux-ci. Tandis que mes raviolis sont au bain-marie, je me rends au wagon-restaurant pour y acheter une bière, parcours qui vaut quand même d'être décrit : Je remonte le couloir, traverse le "fumoir", la zone fermée, à hauteur des portes non-utilisées de la voiture (le provodnik étant à l'autre bout), passe l'espèce de petit pont surélevé, attelage énorme oblige, qui permet de rejoindre la voiture suivante, l'entrée fraiche et bruyante passée, je traverse le petit couloir qui, en diagonale, passe entre la chaudière et le samovar à droite et les toilettes et le compartiment de la provodnitsa à gauche, longe la voiture (à droite) qui, soit dit en passant, à un certain charme avec ses longs rideaux bleus entre les fenêtres, puis re-fumoir, re-passage sur l'attelage et me voilà au restaurant. 11 portes plus tard, de retour à ma place, les raviolis sont chauds et je peux manger. Je laisse ensuite la table à mes compagnons qui sortirons purée, viande, fromage et j'en passe d'un sac à provision qui semble encore contenir assez de vivre pour le voyage du retour !

    Il est 13:34 quand nous marquons l'arrêt à Birobidjan, capitale de la région autonome juive. Nous n'avons plus que 56 minutes de retard, l'écart le plus faible du jour ! Le dernier fuseau horaire du voyage est dépassé, nous sommes à Moscou +7 heures. Le soleil est donc bas sur l'horizon à cette heure. Dernière soirée pour tout le monde, Lilia et Leav commencent de ranger leurs affaires. Un chariot à commission se rempli de provisions pour les enfants, conserves apportées de l'autre bout de la Russie, mais aussi des produits achetés en cours de route, comme le poisson séché du Baïkal. J'y ajoute, maigre contribution, ma dernière plaque de chocolat suisse et me vois offrir en retour un cadeau qui me pose dans un premier temps soucis quant à son retour en Suisse, mais que je ne peux décemment refuser. Spassiba bolchoï pour ce grand pot de confiture de fraise !

    Il fait nuit noire quand nous traversons le pont de 2.6km, le plus long de la ligne, sur l'Amour. Le train roule lentement et la traversée du fleuve majestueux, aux rives illuminées semble ne jamais finir. Il nous faudra encore une dizaine de minutes avant d'arriver en gare de Khabarovk à 16 heures, 23 heures dans le reste de la ville. Outre le passage de l'Amour, cette ville marque aussi le changement de direction de la ligne. Nous roulerons maintenant plein sud pour les presque 800km restant avant d'arriver à Vladivostok.

    Dernière nuit dans le train, bercé par les tadac-tadac. Je me réveille à 00:40 (soit 7:40 locale), alors que mes compagnons sont en train de se préparer. Le train n'a plus qu'une vingtaine de minutes de retard et ils devraient donc arriver à destination dans une heure. Ce matin, plus qu'à tout autre moment du voyage, les passagers que j'avais l'habitude de croiser en survêtements ou en shorts, ont revêtis des habits plus décents pour leur descente du train. Dehors le ciel est gris et il a plu durant la nuit. Le paysage a encore changé, la plaine est bordée de montagnes. La grasse prairie est parsemée d'arbres mais, une fois n'est pas coutume, pas de bouleaux. Dans un compartiment soudain encombré par les sacs, nous partageons un dernier petit-déjeuner ensemble. Puis le train ralentis et entre en gare d'Ussuriysk, destination de mes compagnons de compartiments. Je les aides à porter leurs bagages sur le quai où les attendent la fille de Lilia et Leav avec leur petite-fille et son chien. Les retrouvailles pleines de bonheur font place à des adieux émus. Alors que la famille retrouvée quitte le quai, je remonte dans la voiture, suivit de la provodnitsa. La locomotive klaxonne et le train démarre. Je me retrouve seul dans mon compartiment, comme au départ de Bâle… Il me reste deux heures pour défaire mon lit, ranger mes affaires et profiter des derniers tadac-tadac sur le Transsibérien. Le train longe une nouvelle rivière, Viktor n'est plus là pour sortir son atlas estampillé CCCP et me donner le nom du cours d'eau… Cela restera un des nombreux fleuves et rivières vu le long de la voie ferrée. Le temps humide me rappelle que je devrais aussi penser à me rhabiller un peu avant l'arrivée.

    Juste avant le passage à Ugolnaya, dernière gare du parcours, j'aperçois, à la droite du train, l'océan Pacifique. Nous le longerons de manière presque continue jusqu'à Vladivostok, noux sommes parfois si près de l'eau que des relents iodés pénètrent dans le compartiment. Les plages sont désertes, l'eau brunâtre n'inspire pas plus à la baignade que le ciel grisâtre. Il pleut, les dernières bornes kilométriques défilent lentement accompagnées du sempiternelle tadac-tadac, 9277, 9283… Puis après le passage d'une tranchée découverte, le convoi arrive tranquillement en gare de Vladivostok. Il est 3:38 quand il s'immobilise, nous avons 8 minutes de retard et ce, après avoir parcouru 8774km depuis son départ de Penza. J'ai fait 4106km depuis Irkoutsk en 74:21, nous sommes à 9288km de Moscou et 12141 de Bâle ! Comme les autres passagers, je prends mon temps pour descendre, sac sur les épaules, je jette un dernier coup d'œil au compartiment et je rejoints le quai où il pleuvine. Je salue Evgueni, nous faisons encore une photo, puis je monte sur la passerelle et sort de la gare. Je m'arrête quelques instants sur la place, le temps de prendre une photo du bâtiment, mais aussi de changer l'heure de ma montre. Le voyage est fini, plus 7 heures, ma montre indique maintenant 10:45.

    Bâle – Moscou – Vladivostok… Un rêve caressé depuis mon enfance, depuis que j'ai appris l'existence de ces villes et leurs liens ferroviaires, je devais avoir moins de 10 ans. Aujourd'hui, le rêve est devenu réalité et à côté des souvenirs, une envie est née : celle de recommencer !

    Irkoutsk – Vladivostok, 74 heures de train…

    Plus besoin de dire que les autres photos sont là : http://remif.multiply.com


  • Commentaires

    1
    chaberte
    Vendredi 16 Septembre 2011 à 07:51

    Ah ! que voilà un beau récit pour commencer la journée (il est 7:43 heure du Locle) ! J'ai bien aimé le décor synthétique mi-chic mi-sympathique, mais mi-réussi de la voiture restaurant, les rideaux à franges, le bain-marie, l'odeur de poisson fumé... comme nos voyages en TGV sont fades à côté de tout ça ! Tu veux recommencer ? Alors, je t'accompagne ! c'est dit...

    Bon vol de retour, tu n'auras que quelques heures cette fois pour te remettre dans le bain suisse...

    Bisous

     

     

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    2
    Voyageuse immobile
    Vendredi 16 Septembre 2011 à 14:22

    Alors là, chapeau bas ! Quel compte-rendu ! On s’y croirait ! Et même si je n’ai aucune envie de tenter l’expérience, j’admire ! On ressent  même  la nostalgie en fin  de parcours. J’admire ce voyage dans un train non aseptisé, au passé encore présent, ces moments d’échange entre voyageurs qui font que les gens ont presque du regret à se quitter. Maintenant, j’ai compris comment on passe une partie de son temps : on mange, on mange, on mange encore et on essaie de se comprendre entre occupants. Tout cela en profitant du pays traversé. J’ai aussi compris la signification de Transsibérien que j’assimilais à Orient-express ; à mon sens, il s'agissait de plusieurs itinéraires mais un  train plus qu’une ligne.


    Mais quel mélange d’odeurs il doit y avoir dans ces compartiments ! Celle du charbon en deviendrait bien un parfum.


    On a envie de demander : pas trop déçu de redescendre dans le quotidien ?


    Spaciba !


     

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